Horizon

Il y a trois mois, une porte a claqué. Violemment. Dans le fracas d'une colère qui n'était pas la mienne. Et ce bruit — ce choc brutal — m'a réveillée.

Quelque chose en moi s'est soulevé alors — une vague venue des profondeurs, lente, sourde, irrésistible.

Huit années durant, j'avais nagé à contre-courant. Un amour comme un océan : vertigineux, passionné, absolu. Mais les abysses me happaient. L'eau salée emplissait mes poumons. Je me dissolvais dans cette immensité qui n'était pas la mienne, dans ces eaux qui ne portaient pas mon nom.

Combien sommes-nous à nous être perdues ainsi ? À avoir épousé les contours d'un autre au point d'oublier les nôtres ? À avoir tu notre voix, retenu notre souffle, effacé nos désirs pour cette rencontre qu'on croyait écrite. Pour un homme qui ne nous respectait pas, nous mentait et nous effaçait.

Ce claquement de porte a été mon réveil. Le signal. Celui qui m'a dit qu'il était temps de me choisir. De sortir de l'eau. De regagner la terre ferme.

Les pieds dans le sable, tremblante, exsangue, mais vivante. J'ai laissé derrière moi les remous qui m'arrachaient à celle que j'étais. Et j'ai marché. Réapprivoisant mon propre rythme, le sol sous mes pieds : enfin stable.

Aujourd'hui, Noirmoutier. Cette île que j'aime, pour célébrer ce qui ressemble à une victoire — ou du moins à un commencement.

Il y a ce chemin bordé de bois brut, usé par le temps et le sel. Ces piquets qui ont survécu aux tempêtes. Comme toutes celles qui ont décidé de rester debout.

Seule face à l'écume, mais autrement. Les vagues me parlent et je comprends enfin leur langage millénaire : elles ne cessent jamais, mais ne demeurent jamais. Elles sculptent, effacent, recommencent.

Je me réinvente dans ce sable où s'inscrivent mes pas. Dans ce vent salé qui me caresse avec une tendresse rude. Dans ce sentier qui traverse les dunes. Dans ce large infini qui ne m'appelle plus vers le fond, mais vers l'horizon — cette ligne où tout devient possible.

Nous méritons cet horizon. Nous méritons de nous choisir.

Je ne lutte plus à présent.

Je suis.

Libre.

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